jeudi 11 novembre 2010

BIO

JOSEPH JOSEPH tv/video/le-peintre-sdf

L’histoire de ce peintre sdf par obédience libertaire plus que par détresse sociale est une expérience de « bourlingage » « je suis comme çà moi » dit-il dans une interview. Les cartons proposés datent de 2003, JOSEPH JOSEPH est revenu à paris depuis déjà 5 ans après une virée amoureuse à Londres avec Rose. Puis, « tout a foiré » et il est revenu seul délesté de « confiance en soi pour parler aux hommes ». Il ne se remet que par intermittence à la peinture travaillant beaucoup le carton, support d’environnement plus que de prédilection pour cet artiste qui vit avant tout dans la rue. Sa matière est récupération, elle est donc carton, en nombre, elle sera toile, puis les deux cartons sur toile.
Les séries de cartons ont pour sujet des portraits, avec ou sans texte, irradiés par le bleu, le blanc, le vert ou le rose :
SANS, ce sont des visages aux regards puissants, ovales a priori anonymes mais dont les couleurs foudroyantes font naître l’émotion
AVEC, ce sont ses héros littéraires Edmond Dantes, Aristide Saccard ou sa fascination pour les serial killers qui surgissent. Les fragments de texte choisis s’enchevêtrent alors dans la forme du personnage mais aussi au gré des déchirures des cartons. Le visage nous appelle à déchiffrer, à lire et relire comme joseph a lu et relu Dumas. Dantes était sur le point de se marier lorsque les choses « ont foiré », condamné à mort il s’évade de manière spectaculaire avec son trésor. Joseph joseph lui n’a pas répondu lorsqu’on lui demanda quel était son trésor. Une partie est sa culture artistique solide liée à son passage aux beaux-arts de Grenoble, une autre sa fascination à londres pour bacon et d’autres, sa sensibilité en est la tierce, le guidant vers un expressionnisme violent, torturé et animal.

Joseph fut une vraie rencontre pour qui lui parla dans la rue du roi de sicile ou une rue voisine du marais. Ses oeuvres posées à même le trottoir, son atelier, interpellaient le passant, l'amateur ou le collectionneur d'art contemporain par leur force et intensité.
A travers les quatre oeuvres présentées, nous abordons les thématiques et techniques picturales clés de l'artiste et ce pour l'année 2003, l'ultime qu'il vivra et qui fut marquée par une maturité certaine de sa création.

Ce qui caractérise en premier lieu l'oeuvre de Joseph, c'est le carton, son support de prédilection. Vivant dans la rue, il récupère cette matière et la rend noble par son dessin. Joseph aime sincèrement le carton, il en parle avec passion, c'est plus que de la simple récup lié à son contexte de vie, il s'en sert quasi exclusivement dans un premier temps. Les cartons sont déchirés, peu importe, la figure ou le texte suivra scrupuleusement la forme. Il le respecte et le collera bientôt sur la toile.
De même, il utilisera de manière récurrente de la peinture de bâtiment associée au feutre, à la gouache, au pastel, à l'acrylique. Tout s'élève chez Joseph, il aime à combattre les hiérarchies normatives. L' art est tout et tout est art.


Le sujet chez Joseph est d'abord le portrait. Il en produit de manière prolifique, en série, au gré de la peinture dont il dispose et de sa source d'inspiration. Ainsi, la série des bandits ou des bandits bleus prennent forme. Chaque portrait est marqué par une intensité, un expressionnisme violent du regard, de la couleur. Ces hommes sont ses héros littéraires, Edmond Dantès, Aristide Saccard par exemple car Joseph est attiré par le destin des hommes forts. Il peint aussi des portraits de personnages hors norme, des serial killers tel Peter Sutcliffe dans la série des bandits bleusCB37 Peter Sutcliffe. La destinée des hommes le fascine dans leur dualité. Il aime montrer la complexité de la nature humaine. Il dénonce les « bandits », les « hommes qui aiment l'argent ». A travers Aristide Saccard, héros de la Curée, le spéculateur sans loi ni foi, il met en avant la bassesse de l'homme, son intérêt pour le profit. De manière très subtile Joseph procède d'une critique sociale ou plutôt humaine.

Pour Edmond Dantès C23 Le comte la fascination est manifeste parce qu'il s'agit d'un homme qui détruit, anéanti, refait surface et Joseph s'identifie à ce personnage. Son courage et sa force l'impressionnent. Attention, Joseph n'est pas un naïf, il est lui même double ou triple, tient des discours différents suivant l'interlocuteur du moment car il est intelligent, manipulateur aussi.
Les portraits sont avec ou sans texte (extraits de La curée, du Comte de Monte Cristo, d'articles de presse).Une particularité dans ses dessins est l'utilisation des deux signifiants: écriture et peinture. Le texte investit le portrait, fait partie intégrante de l'oeuvre, il s'adapte à la forme du carton ou du visage, le recouvre parfois, est lisible ou illisible. Parce que l'homme est lié à une histoire, parce que les grands hommes ont une histoire écrite, Joseph lit, relit sans cesse. C'est l'étude approfondie du champ lexical de ses oeuvres qui permet d'attester du lien entre les portraits ou les toiles, d'éclairer sur la construction de ses sujets. Joseph en ce sens est un artiste complet. Rien n'est hasard.

Le deuxième sujet est le collage, de l'objet (vêtements portés et usagés T7 débardeur, vélo, clous, verre) ou du portrait/carton T5 Bandits. On comprend vite que Joseph nourrit son oeuvre de son expérience douloureuse de la rue mais aussi d'une culture artistique solide. Ses références sont multiples, admirateur de Bacon, il est influencé par l'art américain d'après-guerre. Il cite Pollock, rend hommage à Jasper Johns sur une toile. On apprendra plus tard que Joseph est passé par les Beaux-Arts à Grenoble.
De sa production connue, la critique met en avant l'expressionnisme fauve voir tribal qui s'en dégage. S'il est tentant de lire dans son oeuvre un synchrétisme des grands courants de l'art contemporain européen, américain et africain (importance du masque dans ses portraits) , son écriture est très personnelle et ne laisse pas indifférent le public.